Rimbaud nous aurait-il condamné à l’uniformité ? Serait-ce un ultime pied de nez adressé par le poète misanthrope aux temps futurs ? Le privilège de l’avant-garde est finalement d’être rattrapé par la majorité.
Feuilletez les quotidiens, les magazines et même les romans contemporains ! Cette absence d’adverbe, cette parcimonie d’adjectifs ne vous rappelle rien ? La blancheur de la page semble avoir dissous le superflu, absorbé les couleurs et la manière. Ce qui était révolutionnaire est aujourd’hui la norme. Aucun moyen d’y échapper !
Pas un rédacteur en chef, pas un éditeur qui n’exige que l’on supprime « le trop plein ». Sans le savoir, ils font désormais tous du Rimbaud, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Il faut assécher le texte, répète-t-on, comme les Soviétiques ont asséché la mer d’Aral. S’agit-il là d’une injonction divine, un onzième commandement tombé dans l’oubli pendant trente siècles : « Ton texte tu dépouillera jusqu’à l’os ». Tels les Shadocks récemment orphelins, il faut pomper, jusqu’au lit gorgé de sel et impropre à toute culture. Ne croyez pas que le monde éditorial ait soudain découvert le bouddhisme zen et les jardins de Kyoto. Il n’en est rien. Le plus souvent, on ne cherche pas la vérité nue, mais simplement les apparences faussement honnêtes d’une nudité de bastringue. Les modes ont cela de terrifiant que leur durée de vie est inversement proportionnelle à leur caractère totalitaire.
Modestement, passionnément, je mène une résistance à la fois héroïque et dérisoire…
Arthur, réveille-toi, ils sont devenus fous !
Je suis d'accord. Je ne compte plus les fois où l'on m'a dit: dégraisse, trop d'adjectifs, trop d'adverbes, phrases trop longues, raccourcis, simplifies...
Pouf pouf.
Moi en avoir marre. Marre de la simplicité. Marre de la brieveté. Des phrases de trois mots. Du verbe être et avoir. Moi aimer adjectifs, adverbes, et phrases parfois tarabiscotées. Moi pas aimer cette mode, ou plutôt comme tu dis, le totalitarisme de cette mode (aïe, trop longue, trop compliquée cette phrase!)
Rédigé par : Dolce | 13 juin 2006 à 12:01