Depuis le matin, j’avais un caillou dans ma chaussure droite.
J’aurais pu m’en débarrasser facilement, une pause sur un banc, deux minutes d’attention.
Au lieu de cela et la paresse aidant, j’avais dû choisir sans vraiment y penser de continuer à marcher sur les arêtes coupantes de l’intrus minuscule.
Le gravillon m’accompagnait, roulant d’un bord à l’autre de la chaussure comme un tonneau détaché sur le pont d’un navire.
Piquant l’extrémité du talon, agaçant les orteils, la douleur frappait par son caractère fugace et imprévisible, dictée par les à-coups de la marche.
Parfois, la pierre se logeait dans un recoin secret du mocassin de toile, se faisant oublier durant un bref instant, disparaissant tout à fait d’un espace pourtant clos.
Le tour de passe-passe semblait réussi.
J’en venais à croire le problème résolu. L’impossibilité technique n’avait que peu d’importance face à l’évidente concordance de la volonté et des sens.
Puis, au moment précis où la certitude succédait à la surprise, le passager clandestin faisait à nouveau surface, poignardant à la fois la voûte plantaire encore endolorie et mes espoirs déçus.
Depuis le matin, j’avais un caillou dans ma chaussure droite, microlithe imbécile, infligé à mes arpions par un destin zélé et pointilleux.
J’aurais pu m’en débarrasser facilement…mais quelque chose me retenait...
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