Il manque à notre époque un Charles Perrault, un terrassier capable de fouiller les strates sédimentaires de notre imagination. Le matériau n’a pourtant jamais été aussi riche, aussi meuble. L’Occident semble être une machine à produire du mythe. Au diable le Petit chaperon, Peau d’âne et le Chat botté. Dans cinq cents ans, on parlera peut-être aux enfants de la créature de Roswell ou de la brebis Dolly… « Il était une fois un village, dans le lointain royaume du Nouveau Mexique, où s’écrasa une soucoupe volante. À l’intérieur, on trouva un monstre avec de très grands yeux et de très grandes oreilles… ».
Comme on transmet la rumeur, on fabrique sans le savoir une littérature orale, mouvante qui sera le folklore de demain. À condition que quelqu’un se charge de collecter, de sauver de l’oubli toutes ces histoires qui vont et viennent et nous préservent de l’ennui. Internet est maintenant là, grand colporteur universel reliant tous les villages. Qui se souvient aujourd’hui de Madame Deshoulières ? Qui a déjà lu Marguerite de la Sablière ? Toutes deux auteurs de renom et contemporaines de Perrault, elles ont aujourd’hui sombré dans l’oubli le plus total. Pourtant, tout le monde connaît Cendrillon et la Belle au bois dormant. Il y a dans cette narration pseudo collective quelque chose d’universel, un témoignage de notre humanité. La ville tentaculaire et la technologie ont remplacé la forêt primitive et le rouet. Si le grand méchant loup doit être un extraterrestre, alors soit, pourvu qu’il nous parle de nos terreurs, de nos angoisses et que son appétit reflète nos excès…
Il nous faudrait un moraliste désabusé pour mettre de l’ordre dans tous ça, un conservateur des craintes modernes, prêt à se lancer dans le grand inventaire. Alors ? Un volontaire dans la salle ?
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