À première vue, notre univers souffrirait d’un manque d’énigmes. (Je mets volontairement de côté l’architeuthis dux et le triangle des Bermudes). À force de conquêtes et d’exploits, le positivisme triomphant a dévoilé bien plus que nécessaire. C’est là une nouvelle forme de pornographie. À l’inverse d’une peau de chagrin, la réalité a donc étendu son empire sur le rêve. À chaque désir, elle met un peu plus en péril les contrées obscures dont se nourrissent encore les artistes.
Mais, à bout de course, le balancier amorce son retour en arrière. Après la mise en lumière, il ne reste plus qu’à chercher de nouvelles zones d’ombre pour y plonger son regard ébloui. Peu importe alors qu’il ne reste plus rien à découvrir, on inventera des territoires le cas échéant, des pics à gravir.
Il serait par conséquent nécessaire de fabuler dans le vide afin de ré-enchanter un monde devenu trivial. Je me méfie toutefois des observations hâtives et des conclusions sommaires. On vend aujourd’hui du secret comme autrefois les barils de lessive. Une simple étiquette suffirait donc à envoûter le banal. Et les foules convaincues, de se complaire alors dans l’observation chronique de la médiocrité, comme des lapins paralysés pas la lumière des phares.
La Littérature, pour étroite qu’elle soit, n’échappe pas à cette règle. La blogosphère s’y rattachant n’est qu’une subdivision du microcosme confinant à l’angström où jouer à cache-cache pallierait donc l’absence du sublime. On y progresse à tâtons, l’hypertexte remplaçant les cailloux du Petit Poucet. Enfin, trêve de jeux de piste pour boy scouts lettrés ! J’aspire à toucher l’horizon et non à me ronger le flanc.
Maintenant, si mystère il y a, c’est bien dans l’identité de mon propre auteur qu’il réside. C’est lui qui m’écrit en ce moment même et me fait croire à votre existence. C’est d’ailleurs un jeu bien cruel. Il semblerait que cet écrivain soit porté sur la mise-en-abyme. Je crains qu’il ne m’ait fait à son image et j’écris donc à mon tour sans plus me soucier des mauvais prophètes ni des intrigues frelatées.
Commentaires