Comme en retrait du monde, à l’intérieur du monde, l’écriture se ramifie dans une sphère d’absence qu’il faut parfois quitter pour se livrer à des activités plus prosaïques. Revenir de là-bas est toujours un arrachement, une rupture temporaire du continuum littéraire. On maudit alors les heures qui nous tiennent éloignés du texte, comme les preuves accablantes d’une contingence matérielle et inévitable. Cet éloignement est comparable à celui qui nous sépare de l’être aimé. La distance crée une tension presque palpable qui finit par nourrir le texte lui-même.
Cette séparation ne brise par le rythme, elle donne le rythme.
Supprimer ces heures où le travail vous retient et la tension diminue subitement, la passion retombe, affadie par la routine et le quotidien. La littérature est une jeune maîtresse. L’imaginer de loin comble l’attente, augmente le désir.
On croît souvent que le temps disponible s’avère être le facteur indispensable à la création, mais le temps dit « libre », est bien souvent un couloir vide qu’il faut péniblement traverser jusqu’au point de concentration. Écrire en mangeant, en travaillant, en prenant le train, en se brossant les dents, chaque geste quotidien peut devenir un élément du processus global. La feuille et l’encre ne sont que les parties ridiculement visibles d’un iceberg immergé. On aspire à retrouver Pénélope et en fin de compte, c’est peut-être bien Circé qui nous souffle dans le cœur.
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