Les subterfuges que l’on invente pour ne pas avoir à s’y mettre, les détours et les nécessités que l’on imagine pour fuir devant l’obstacle sont des préliminaires incontournables. On espère que le téléphone sonne, on trouve soudain du courrier à ouvrir, on prie secrètement qu’un accident survienne, empêchant pour cette fois la confrontation. C’est reculer pour mieux sauter, mais si petit soit-il, ce recul apparaît alors comme un sursis, comme une grâce délivrée juste avant l’exécution de la sentence.
À force d’atermoiements, de prétextes ridicules, on finit tout de même par s’y coller, par s’y atteler comme à une mule. D’où vient qu’on soit dévoré par la trouille quelques secondes avant le saut, alors qu’en des heures plus sereines on s’extasiait à l’idée d’être une nouvelle fois au bord du gouffre. D’où vient que l’excitation se mue en terreur, que l’impression de facilité qui nous anime au fil du jour devienne soudain amère et que l’effort tant attendu se fasse pénible. La pensée devient confuse et c’est la main qui tremble…
Le plaisir, à l’image du bonheur, se fait rétrospectif. On se souvient du passage réussi, de l’impression diffuse, jamais de la terreur ni du doute. La littérature, la poésie et la justesse, c’était hier, toujours hier. Aujourd’hui ne s’ouvre devant moi que la nullité crasse d’une réalité trop évidente pour être contourné. Aujourd’hui, je souffre à forger cette langue, mais demain à nouveau, j’aurai tout oublié…
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