il y a seulement quelque jours, je rédigeai ici même « ce qui est écrit est en vie », évoquant ainsi la persistance du texte coupé, sa résistance à toutes les formes de mutilation, un peu comme ces poulets courant décapités.
Cette phrase simple ne m'a pas quitté depuis lors. Je crois avoir dit quelque chose d'important sans m'en rendre compte. Sans doute est-ce là un commentaire involontaire sur le golem de Prague. Rabbi Yeouda Loew ben Bezalel anima sa créature d'argile en écrivant sur son front le mot « emet(h) », signifiant vérité. Ensuite, il lui ôta la vie en effaçant la première lettre (aleph), ne laissant plus sur le front sans ride que le mot « met(h) », signifiant mort. Une lettre seulement sépare ainsi la vérité de la mort. Il est dit que dans la bouche du golem, figurait également un papier sur lequel était inscrit le tétragramme ineffable (YHWH). Dans la tradition hébraïque, il est interdit de jeter le papier sur lequel est écrit le nom de Dieu. Il existe par conséquent des lieux de dépôt, ou « guenizot » servant à stocker les papiers devenus inutiles, mais qu'on ne peut jeter malgré tout, des cimetières de textes en quelque sorte.
Presque malgré moi, je pense à La bibliothèque de Fort Moxie, inventé par Jack McDevitt, que je citais déjà dans le passage amputé (voir note précédente), mais également à la bibliothèque imaginé par Richard Brautigan dans l'Avortement, destinée à recueillir les manuscrits rejetés.
Il faudrait peut-être songer également à indexer quelque part les excroissances textuelles, les kystes romanesques, ces textes à qui l'on a prêté vie avant de leur ôter, mais qu'on ne peut jeter malgré tout.
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