ça sent l'asphalte tiède.
Je pourrais lever les yeux aux ciel, contempler la rainure electrique qui sépare les tours du Rockfeller Center, mais en ce matin de juin, la seule chose qui mobilise véritablement mon esprit, c'est l'odeur de l'asphalte qui tiédit à mesure que le soleil se lève. Les voitures passent, forcemment jaunes.
Comment j'ai atterri sur là cinquième avenue pourrait faire l'objet d'un "prequel", à la George Lucas. On verra plus tard pour le début. Commençons plutôt par la fin !
Je ne sais quoi d'iréel, un pétillement, un bruit sourd. À la manière de certains films qui laissent l'impression diffuse d'avoir rêvé.
Mais, nom de dieu, qu'est-ce que je fous là, dans mon bermuda et ma chemise Hawaïenne, au milieu des cadres cravatés qui déboulent du métro et se ruent à l'assaut des tours. Et puis, qu'est-ce qui m'a pris de m'habiller comme ça ?
J'arrive enfin au niveau de la vingtième rue. C'est là, dans un immeuble des années trente, un de ces proto gratte-ciel coincé entre une galerie d'art et une église gothique. Je fais mine de m'intérresser aux tableaux, regarde les encadrements avec attention. Tout pour gagner du temps. de l'autre côté de la rue, les portes de l'église s'ouvre à la volée, révélant la présence d'une boite gay. Je m'approche. Les derniers clients sortent. On balaie les dégats de la nuit. Au fond du choeur, la boule à facettes tourne toujours au ralenti...
la porte est là, une porte énorme et cossue avec un vigile noir en uniforme. Je me dis, c'est vraiment ça New York ! Même si ça tourne mal, je pourrais toujours écrire un truc là dessus, un truc sur le vigile et les Village People. Greenwich village n'est d'ailleurs pas très loin.
Allons, trève de circonvolutions, de ratiocinage, rajustons fièrement notre superbe chemise hawaïenne qui nous fait ressembler à Tom Selleck dans Magnum et dirigeons nous prestement vers cette foutue porte, car, au énième étage de cet immeuble newyorkais, j'ai rendez-vous avec un agent littéraire...
(to be continued...)
Orgueil et naïveté, vous dites, mais votre intelligence les rend lumineux. C'est ainsi, vous n'échapperez pas à vous talents. Doutez de votre audience, certes, l'époque est pauvre et entend peu, mais pas de votre voix
Rédigé par : lataupe | 25 avril 2009 à 11:22
J'ai bien peur que mon Talmud se soit limité jusqu'à présent aux pages écrues de la NRF et aux illustrations de la Bible par Gustave Doré, qui me plongeaient enfant, dans des abîmes de contemplation. Ici, je me sous-estime un peu et me dévalorise, mais pas tant que ça. Comme vous le dites si bien , la curiosité intellectuelle ne suffit pas toujours, hélas...
Mon humilité est celle de quelqu'un qui entreprend des choses plus grandes que lui. En cela, c'est une forme d'orgueil.
Vous serez toujours le bienvenu, ici ou ailleurs.
Rédigé par : mikael | 24 avril 2009 à 22:34
En cela aussi, cette maturité récente et soudaine, nous nous ressemblons. C'est vrai que vous étiez (plus) jeune, mais également proche de vous-même. Je crois, comme vous sans doute, à l'importance de la maturité en littérature, et le regard clairvoyant que vous portez sur ces années, sur ces mots, sur tout, me semble t-il, est aussi ce qui a permis cette maturité. Elle a été appelée. Elle venait en vous. Ne vous reniez pas. Que dire encore? Vous trouvez votre manière, c'est tout. J'apprécie ce que vous êtes devenu après ce que vous étiez, les deux vont ensemble. Sans doute êtes vous un écrivain de la distance plus que de l'intimité, un écrivain du sens plus que du transport. Je crois. C'est ainsi que je l'entends... En ce qui concerne cette anecdote rapportée, en effet elle est éloquente. Je connaissais très peu Julien Coupat. Ce que tout un chacun peut en savoir. Ses textes sont restés très marginaux. J'ai été surpris d'apprendre le nom de sa revue philosophique, 'Tiqqun'. Surpris et déçu d'emblée. Savez-vous ce qu'est le 'Tikoun'? Connaissez-vous le Talmud? On n'entre pas dans le Talmud sans maître, sans la maîtrise de l'hébreu et celle de l'araméen. On n'entend pas le Talmud sans trente ans de Talmud. On n'entre pas dans la Kabbale sans Talmud. On n'entend pas la Kabbale sans trente ans de Kabbale... En tout il faut une initiation. En tout il faut être à l'intérieur pour comprendre. Sans doute les auteurs de cette revue ont eu des initiations, riches et profondes. Mais pas celle-ci. Je compte assez de talmud (très peu mais assez) pour savoir que le 'Tikoun' est une notion d'une infinie complexité, d'une infinie cohérence, qu'il faut respecter non pas religieusement (bien sûr, le sujet n'est pas là!!) mais comme une culture qu'on ne peut réduire, par méconnaissance, à un titre, à une parcelle, à un slogan, à une pelure, ou alors seulement avec une incroyable arrogance et malhonnêteté. Cette notion, je vous le répète, est d'une grande beauté, d'une richesse confondante, intellectuellement. Et peut-être davantage (mais le sujet n'est pas là!!) Voilà ma surprise, et ma déception. J'essaie moi-même de rester fidèle à cette démarche critique; de ce fait je tâcherai de ne pas voir en ce nom de revue un vice de forme définitivement révélateur. J'irai, peut-être, plus loin... Fin de l'anecdote. Leçon de l'anecdote. C'est aussi ce que j'aime chez vous. Vous entrez, dans les choses, en emmenant vos limites, finalement avec autant d'humilité que de profondeur. Et vous enrichissez celui qui vous lit. Je voudrais continuer de nourrir notre amitié. Cordialement.
Rédigé par : lataupe | 24 avril 2009 à 21:38
Merci à vous.
Lire est aussi un métier (pas un travail !) qui se perd de plus en plus et j'en veux pour preuve cette déclaration d'un officier de police au sujet de Julien Coupat, que je lisais récemment : circonstance incriminante entre toutes, sa bibliothèque comprenait 5000 OUVRAGES (en gras dans le rapport).
Comme ces premières notes me semblent pourtant lointaines à présent. à posteriori, cet enthousiasme m'apparait si déplacé. Je suis resté jeune pendant de longues années. J'ai finalement vieilli en peu de temps.
Rédigé par : Mikael | 24 avril 2009 à 16:51
Depuis quelques temps je lis votre blog, du début à la fin (ce qui constitue une fin temporaire). Lentement. J'aurais pu en rester à ce que j'ai d'abord connu de vous, vos récents billets, ceux de l'année 2009, cette porte d'accès, mais c'eût été vous réduire à un instantané. Je suis ce cheminement, et c'est étrange d'aller vous chercher si loin, d'avoir ainsi à suivre un courant intime. Je ne saurais vous dire ce qui me parait avoir évolué en route, chez vous. Je crois que partout je reconnais ce que j'apprécie, en premier lieu l'intelligence de vos mots, et leur pudeur. Ne vous méprenez pas, je reconnais votre langue, et votre style, mais je vous dis ce qui pour moi émerge le mieux: cet esprit (et pour cela, bien sûr, il y a une langue à la fois riche, complexe, et limpide), cette lucidité, cette façon singulière d'aller au delà de vos références pour donner votre regard, cette manière d'affranchissement, cette intelligence (j'y reviens toujours). De tout cela l'époque me parait être pauvre. Tout cela manque souvent dans la littérature d'aujourd'hui. Souvent je la trouve facile, surfaite, orgueilleuse, transparente, répétitive, anodine, évaporée, résiduelle... Vous jamais. Je ne parle pas de la culture, elle abonde partout, mais de ce qui va au delà, l'acuité et la profondeur. J'aime ce que vous donnez à entendre...
Rédigé par : lataupe | 24 avril 2009 à 14:02