Si vous jouez dans un groupe et participez une fois par an à la fête de la musique, vous êtes de toute évidence musicien. Personne ne songera jamais à nier cette réalité ou à la mettre en doute.
Si vous peignez le dimanche et exposez dans les bars, même des toiles médiocres, vous serez considéré comme un peintre et l’on dira de vous : « il peint », comme on dirait : « c’est un excentrique passionné, il a un violon d’Ingres… »
D’où vient alors qu’il faudrait avoir publié pour être écrivain ?
En matière de littérature, la reconnaissance n’est jamais un aboutissement, mais bien plutôt un présupposé.
Vous savez comme moi qu’il est impossible de sortir du bois, de clamer haut et fort sa véritable nature sous peine de paraître ridicule et bouffi d’orgueil.
On n’apprend pas tous à jouer d’un instrument ou à manier le pinceau, mais nous écrivons tous à des degrés divers. La musique et le dessin ne sont que des arts, mais l’écriture est aussi une forme de communication courante, tout autre chose en somme.
Par ailleurs, l’appréhension d’un tableau ou d’un morceau de musique est avant tout une expérience sensuelle, tandis que la lecture est un travail de reconstruction mentale. Ces particularités placent donc la chose écrite en marge du panthéon, dans un purgatoire cérébral où le regard bienveillant de ses pairs fait seul office d’élection.
Après avoir longtemps écrit dans le silence, une période d’adaptation est par conséquent nécessaire. Il faut alors s’habituer à certains qualificatifs jusque-là réservés aux maîtres. Au début, on a du mal à réaliser qu’il puisse véritablement s’agir de soi. Pour la première fois, l’image mentale coïncide avec l’image que l’on donne. C’est l'équilibre enfin, l’harmonie du moi recomposé, comme chez ces transsexuels que l’on opère après un douloureux processus de transformation.
À plus d’un titre décidément, la publication fait office de bistouri.
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