L’obsolescence programmée, comme remède radical à la mémoire, à la culture, est finalement devenue la norme d’un monde calibré. Il semblerait que la génétique ait pénétré la structure poreuse du capitalisme, remontant lentement jusqu’à sa surface par capillarité. Les idées et les mots, comme tous les autres biens monnayables, sont donc destinés à vivre une existence non seulement courte, mais également stérile, ce qui les différencie même des simples éphémères.
Comment écrire, c'est-à-dire chercher à retenir les traces qui s’effacent, dans un univers aujourd’hui dénué de fondement ?
Il ne s’agit plus uniquement d’une détérioration matérielle due à des impératifs économiques, mais à une volonté de limiter au maximum la durée de vie du texte. La rotation assure la rentabilité dans une fuite en avant sans queue ni tête. Chercherait –on à restreindre le champ d’action du livre, à réduire son influence éventuelle sur notre « temps de cerveau disponible » ? En banalisant la chose écrite, en la rendant aussi futile qu’un divertissement consommé à la va vite et oublié tout aussi prestement, on opère en tout cas un glissement du sacré vers le trivial qui profite aux censeurs. J’aimerais pouvoir m’arrêter un moment pour juger de la qualité d’un texte. Peu importe après tout qu’il soit mauvais ou dénué d’intérêt artistique, si j’ai la possibilité de m’en rendre compte par moi-même.
Dans le merveilleux film de Federico Fellini, sobrement intitulé Roma, les excavateurs du métro palatin mettent à jour une villa antique couverte de fresques. L’irruption soudaine du dioxyde de carbone dans ce monde clos et oublié provoque immédiatement la destruction des peintures et les ouvrier, de courir alors de pièce en pièce pour apercevoir, ne serait-ce qu’un instant, les œuvres disparaissant littéralement sous leurs yeux. Toute proportion gardée, la visite à toute allure des rayons changeants de la Fnac, me laisse à peu de chose près la même impression de fin du monde.
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