La polysémie et l’homonymie sont les deux faces d’une même médaille. Puisque le langage est un naufrage, l’imprécision introduite par ces deux notions contiguës me semble paradoxalement plus franche. L’impossibilité à décrire quoi que ce soit de manière vraiment satisfaisante devrait tendre à la disparition d’un vocabulaire superflu.
On peut même pousser le bouchon plus loin et imaginer une langue ne possédant qu’un seul mot. Ce mot aurait bien sûr un nombre incalculable de significations identifiables en fonction du contexte. Les utilisateurs de cette langue porteraient tous le même nom et ne pourraient être distingués. Dans cette langue, la seule littérature possible traiterait d’incommunicabilité, la poésie serait uniquement rythmique. La religion jouerait des majuscules. Les hommes politiques moduleraient leurs intonations, ce qu’ils font déjà par ailleurs, à tel point que les foules n’applaudissent pas l’éloquence, mais plutôt la scansion. Les philosophes se tairaient. Dans cette langue, on ne saurait évidemment compter que jusqu'à un. Certains agitateurs prôneraient alors l’existence hypothétique d’un second mot totalement imprononçable, mais ils seraient traqués par les autorités du maintien de l’ordre. Certaines idées subversives ne mènent évidemment qu’à la ruine. Les méridionaux auraient tout de même un accent.
j'ai bien peur de remettre le couvert dans ma note d'aujourd'hui. C'est tout moi, ça, évoquer l'impossibilité, mais le faire sans pouvoir m'arrêter. (cf "Le bavard" de Des Forêts) et oui, encore une citation. Allez, c'est promis, demain, j'arrête la clope.
Rédigé par : Mikaël | 06 août 2006 à 14:26
"Nos mots sont hantés par d'autres" (Michel Leiris); vous en parliez dans "Au suivant" et vous le mettez sans doute en pratique, consciemment ou non, dans tous vos textes... ;)
PS : Bonne lecture !
Rédigé par : Tétanos | 06 août 2006 à 10:20
Ah, la lecture systématique, mais dissipée, de Borges m'aura entraîné malgré moi sur des terres déjà défrichées. J'assume en fin de compte le recyclage involontaire et ludique. Chez moi, la propension à circonvenir ces problèmes linguistiques se fait jeu. Je m'amuse à énumérer les possibles, rien de plus.
PS : j'ai acheté Volume, d'Orion Scohy.
Rédigé par : mikael | 05 août 2006 à 15:19
Aurais-je déjà vu ça, quelque chose qui y ressemble, quelque part ? Chez Borgues, sans doute... Dijo la palabra Undr, que quiere decir la maravilla (in El libro de arena). Problème : Roger-Pol Droit, dans ses 101 expériences de philosophie quotidienne nous propose, entre autres choses, de vider le sens d'un mot, en le répétant ad nauseam... assez rapidement, par le biais d'un mouvement naturel de centrifugation, le signifiant se détache du signifié, l'étiquette s'éloigne de l'objet... ce qui reste n'est plus que coquille vidée de toute substance, absurdité... d'où il en résulte qu'un mot unique, même mis dans des contextes différents, deviendrait rapidement inopérant... Aboli bibelot d'inanité sonore... Swift dans ses Voyages de Gulliver propose une solution : ne plus utiliser de mots ! communiquer uniquement au moyen d'objets, que l'on transporterait sur soi, pour pouvoir en parler... cette mesure radicale aurait pour conséquence une nette propension à la « dématérialisation» notre univers linguistique objectal... qui viendrait encore parler de sa machine à laver ? ... et de recentrer encore plus, si toutefois c'est possible, nos discours sur nous-mêmes... bref pas la panacée...
Rédigé par : Tétanos | 05 août 2006 à 11:17