D’où vient que la querelle entre Gide et Claudel soit toujours un sujet de débat, tandis que les mots échangés entre Camille Laurens et Christine Angot nous laissent de marbre ? Il est trop tôt pour juger du talent de chacun et bien malin celui qui pense savoir ce que l’Histoire retiendra de notre époque littéraire. La poussière jouera son rôle et décantera pour nous, ou nos petits-enfants, le nectar de la lie. D’où vient alors cette désaffection pour notre propre temps ?
Le présent nous ennuie. C’est un mal français, une langueur atavique. On singeait déjà l’Antiquité sous l’empire. Céline regrettait Chateaubriand et l’on regrette aujourd’hui Céline sans plus se soucier du roman contemporain. Les invectives sont pourtant les mêmes, les intrigues de palais en tout point identiques. Certains vont au ciel en voiture Pulmann et d’autres voient l’enfer dans les wagons du métro. On arguera que les Faux monnayeurs, que le Soulier de satin…que sais-je encore. Le présent nous assomme, voilà tout. Demain, les œuvres et les débats d’aujourd’hui passionneront peut-être les foules anémiques. Il nous faut un quart de siècle pour susciter l’engouement, cinq lustres pour transformer le trivial en sujet d’études et le livre anodin en classique. Les écrivains le savent. C’est pourquoi ils flattent souvent l’avenir sans parler de leur époque. Qu’ils prennent garde toutefois, à trop chercher la postérité, on ne parle à personne, à trop prendre de recul, on n’y voit que du flou.
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