Le marché du livre chinois en fait rêver plus d’un. Pensez donc, un milliard de lecteurs potentiels, une société qui s’ouvre aux médias et à la consommation, une culture toujours fascinée (pour combien de temps encore ?) par tout ce qui vient d’Occident.
Les scouts des grands groupes d’édition internationaux et les agents littéraires se ruent par conséquent là-bas en quête du nouvel eldorado. On y parle de petits tirages en dessous de cent mille exemplaires et de succès au-delà des dix millions, chiffres qui laissent songeurs tous ceux qui évoluent dans le microcosme éditorial français. Cinq cents « petits » éditeurs se partagent aujourd’hui ce fortune cookie, dont aucun n’a seulement une ampleur nationale.
Le capitalisme moderne et la mondialisation auront tôt-fait de rationaliser tout ça, pensez-vous, mais ce serait compter sans les particularités intrinsèques d’un monde qui nous échappe complètement.
Si les romans étrangers intéressent en effet les lecteurs chinois, ceux-ci ont pourtant l’habitude de considérer l’Empire du milieu comme le seul décor possible à toute action littéraire. Les personnages ne peuvent en aucun cas venir de l’extérieur et l’action doit nécessairement être adapté aux coutumes locales. Le lecteur pékinois veut plus que tout autre du roman de terroir. Que l'auteur soit Suédois ou bien Américain d’origine n’y change rien, si bien que les éditeurs chinois ont désormais pris l’habitude d’acheter les droits de romans étrangers puis de les faire réécrire par des écrivains autochtones. Après les remakes de films, effectués à Hollywood, va-t-on assister à l’avènement de remakes de livres, made in PRC ? Pour le meilleur ou bien le pire, ce processus est déjà en cours.
En guise de hors d’œuvre, voici maintenant la scène finale du Père Goriot, sinisée par mes soins :
Xang, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière de la Révolution et vit Shanghai tortueusement couchée le long des deux rives du Yang Tsé où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la tour Jin Mao et le quartier du Pu Dong, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur ce nid d'hirondelle un regard qui semblait par avance en pomper le suc et dit ces mots grandioses « À nous deux maintenant ! »
Et pour premier acte du défi qu’il portait aux dignitaires du Parti, Xang alla dîner chez Madame Sui.
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