On fait parfois de belles rencontres, de ces moments où le regard suffit. Discuter pendant une heure avec un esprit vif et bienveillant rassure quant au genre humain tout entier. Aujourd’hui, j’ai eu cette chance, simple et déterminante. Comme il est étrange de constater que les hommes de combat sont toujours doux et modestes.
On a du mal à croire qu’André Schiffrin ait un jour hésité à devenir éditeur. La figure tutélaire de son père ne fut pas un sésame, comme on le croit trop souvent, mais bien un obstacle à franchir. Sans sa détermination, la culture du demi-siècle qui vient de s’écouler eut été radicalement différente.
C’est une conception de l’Histoire, de l’échange et de la justice qui s’exprime avec lui, à travers lui. Il est devenu le défenseur de l’édition indépendante contre les groupes mastodontes et l’on voit bien que la connaissance est pour lui une forme de résistance. Ses prophéties ont tout d’abord fait sourire, avant de s’avérer en dessous de la réalité. On prête maintenant attention à son jugement, on jubile même face à sa curiosité juvénile, mais c’est bien lorsqu’il évoque avec passions ses souvenirs qu’il convainc le mieux. Bref, Monsieur Schiffrin, c’est à une certaine idée de l’élégance que vous m’avez convertie.
Commentaires