Je me souviens très bien avoir découvert Raymond Queneau par l’intermédiaire de ses Exercices de style. Mon père avait dû glisser ce petit livre étrange dans mon barda d’écolier et la lecture de cet opuscule m’avait franchement réjoui. D’où vient donc ce plaisir dû à la répétition ? De l’infime décalage naît soudain la connivence. Le partage devient possible, en dépit des années, de la distance et même de la mort.
Quelques années plus tard et usant mes pantalons sur les bancs du lycée, j’évoquai à nouveau ce livre dans un cours de français consacré aux registres. J’en parlai alors avec un tel enthousiasme qu’une camarade de classe finit par se le procurer, s’attendant à juste titre à une bonne poilade. Quelle ne fut pas sa déception à la découverte du texte ! Il est vrai qu’au royaume des Feux de l’amour, Queneau est aussi hilarant qu’un parapluie sur une table d’opération.
Aujourd’hui, j’ai envie de renouer ce lien distendu par une contribution personnelle, un centième avatar en quelque sorte, apocryphe celui-là et cybernétique, forcément, ce qui n’aurait sans doute pas déplu d’ailleurs à cet admirateur de Turing et des machines à penser…
Périphérique :
Un rapeur attend le tram numéro 3, il mate un lascar au cou de femme girafe qui porte sa casquette du PSG à l’envers. Le type s’embrouille avec un toxico qui lui reproche de marcher sur ses Nike Airmax flambant neuves, chaque fois qu’une Malienne monte ou descend de la rame avec sa poussette. Puis il va s’asseoir sur un siège jaune et vert. Un quart d’heure plus tard, le rapeur revoit le même type à la station Porte d’Orléans. Il tchatche en visio sur son mobile 3G à propos d’un bas de survêtement.
PS : Un billet à l'esprit similaire sur le blog de Marc Pautrel...
Joli ajout! Et le plus beau dans ces Exercices de style, c'est qu'ils redémontrent l'infinie liberté qu'offre l'écriture, il y a toujours un angle, un mot, un regard, une émotion, une perspective, une façon, un éclat...nouveaux. Les thèmes ont beau être éculés, visités et revisités, il y a toujours un endroit, un moyen, pour chaque plume qui veut bien s'en donner la peine d'y laisser son empreinte légère, unique.
Rédigé par : Kiki | 05 mai 2008 à 16:26