Dans la Vallée des eaux claires, à Puymoyen, se cache le Moulin du verger dont l’adresse est un programme à elle seule et nous rappelle sans ambages l’incipit de Salammbô. Là, on peut rencontrer un homme comme on n’en fait plus, un type passionné et passionnant qui oppose celui qui « fait» à celui qui « sait, la praxis à l’érudition. Depuis trente ans, Jacques Brejoux fabrique du papier et fait le bonheur des restaurateurs de livres qui voient dans son vergé la quintessence des vieux chiffons de lin. Les gens de Stanford, et de la Bodleian Library d'Oxford viennent auprès de lui pour réaliser un filigrane sur une feuille de 20 g/m2, pelliculer un velin avec une solution d’alun et tant d’autres choses, dans l’indifférence des autorités culturelles françaises qui méprisent les autodidactes et sacralisent le savoir universitaire.
Il ne s’agit pas ici, comme on le fait partout ailleurs, de reconstituer pour les touristes un ensemble de techniques disparues et muséifiées, mais bien de faire vivre une tradition qui ne s’est jamais éteinte et qui perdurera tant qu’il y aura un marché de bibliophiles. C’est peut-être cela qui choque, finalement, la survivance d’une économie anachronique et pourtant bien vivace. Bientôt, des maillets et des cuves offertes par les Américains (c’est un comble !) viendront rejoindre la pile hollandaise et la production pourra enfin atteindre des niveaux de qualité inégalés depuis le dix-huitième siècle. Le pragmatisme capitaliste l’emporte sur la reconstitution et sauve de l’oubli un artisanat noble.
Au cours de ma visite, Jacques m’a offert un ABCdaire imprimé sur du drap de coton, avec des caractères mobiles en bois dont on se servait autrefois pour réaliser affiches et proclamations. La beauté simple et pénétrante de l’alphabet, ce petit miracle d’invention, y prend toute sa dimension graphique. Un grand merci pour ce moment d’intelligence et de beauté fonctionnelle, loin des écomusées et de la pédagogie de bazar.
Ah, je savais que tu habitais en Charentes, mais sans savoir où exactement...
C'est un très bel endroit, avec un nom charmant.
Rédigé par : Mikael | 06 novembre 2007 à 09:46
ah, je connais bien...sais-tu que j'habite à une trentaine de km de là? Ma fille allait faire de l'escalade dans la vallée des eaux claires ( j'aime ce nom)....
Rédigé par : marie pierre | 06 novembre 2007 à 08:43