Non seulement c'est bien la fiction qui donne son sens au réel, mais elle en panse également les plaies.
On devrait s'interroger sur ce désir de réalité qui meut aujourd'hui notre société, cette obsession viscérale qui contamine tout, rend l'imagination suspecte et criminalise les rêveurs. Choisir délibérément l'ablation du songe est une forme de lobotomie collective.
Les conteurs sont nés avec l'humanité, dans les grottes où figurent encore les traces pariétales de leur mythologie. L'exposition d'un réel sans signification au détriment du conte marquerait une rupture définitive entre l'homme et ce qui l'anime véritablement.
Je crois à la fonction chamanique de la littérature et je prêche (dans le désert) pour sa restauration.
"Tout était qualifié, minutieusement défini. Il fallait voir, vérifier, tout montrer jusqu’au tréfonds, n’oublier aucun détail. Thomas réalisait combien son entêtement l’avait jusqu’alors diminué, cantonné dans l’obscurité, en dépit de la clarté rayonnante du progrès et de la communauté. On voulait s’affranchir des impondérables, maîtriser la naissance et la mort, abolir l’altérité. La science enfin était la véritable pornographie, celle que tout le monde espérait en s’épuisant la rétine sur des ébats zoophiles, faute de mieux. Il fallait transgresser, souiller, apprendre à connaître pour mieux avilir, être un homme, nom de Dieu !"
OMICRoN p101
Commentaires