Faut-il poursuivre des objectifs absurdes, dessiner une carte aussi grande qu'un pays, jouer encore au piano les mains déformées par l'arthrose, ou bien écrire frappé de cécité?
« I will not go gently into that good night, but rage, rage against the dying of the light », écrivit Dylan Thomas quelques années seulement avant d'ingurgiter les dix-huit bourbons qui devaient l'expédier directement du Chelsea Hotel aux Enfers d'Hadès, un soir de novembre 1953.
Hemingway et Montherlant contre Homère et Borges. Chez les grecs, où l'on a pris l'habitude d'aller se faire voir, il existait pourtant deux sortes d'aveugles. Les premiers recevaient la cécité en guise de malédiction et le don de divination en compensation, les seconds perdaient la vue en découvrant la vérité. Les premiers se suicident, les seconds peuplent les ténèbres, à Chios, ou Buenos Aires. La vérité de l'oeuvre est-elle une présence éclairante qui anime la surface de l'abîme, tandis que la clairvoyance serait en réalité un jeu de dupe?
Hemingway décida d'en finir alors qu'il n'avait jamais compris, ni accepté le suicide de son propre père. Certaines réalités jusque là opaques finissent par faire jour à l'âge d'homme; Enfin, mes questions sont celles d'un être qui voit encore parfaitement et qui commence seulement à souffrir des mains. Le bleu des Nocturnes de Whistler vient-il de Canaletto et Pourquoi Bronislav Stayevski ne s'est-il pas suicidé lorsque ses doigts le trahirent?
Oh ben zut, c'est déjà assez duraille de tenter de s'ouvrir les veines créatives tous les jours. Si en plus après faut se suicider! ;)
Rédigé par : Kiki | 18 novembre 2008 à 09:21