Comme Allen Ginsberg en 1956, j'ai aujourd'hui le sentiment de voir les meilleurs esprits de ma génération détruits, non plus par la folie, l'hystérie et la faim, mais tout simplement par l'indifférence et l'omniprésence du bruit.
Ces gens-là, vous ne les connaitrez pas, vous ne les entendrez pas. Beaucoup d'entre eux ont d'ores et déjà renoncer à la parole. Drôle d'époque que celle où les orateurs-nés choisissent de se taire par résignation. L'esprit se saborde pour ne pas subir le naufrage. Si l'intelligence est bien une forme d'expression collective et non pas le surgissement ponctuel d'une parole individuelle, on retiendra de notre époque une forme d'absence volontaire, si tant est qu'un manque puisse laisser une trace. Chez Thomas Pynchon, c'est la tribu des Herreros qui décidait de ne plus se reproduire et donc de disparaître afin de protester contre sa captivité. La désormais traditionnelle grève de la faim, devenait ainsi grève de la génération. Le silence, pour assourdissant qu'il puisse être, est-il une forme de résistance passive égale à celle de Thoreau, retiré du monde, dans sa cabane de Walden Pound ?
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