Julien Gracq, quant à lui, est le plus grand écrivain français de sa génération. L’un des deux seuls auteurs à être entré dans la Pleiade de son vivant (l’autre étant Julien Green). Il écrit l’un des plus beaux roman du vingtième siècle, Le Rivage des Syrtes, pour lequel il obtient le prix Goncourt en 1951. C’est alors qu’à la surprise générale, il refuse publiquement le prix tant convoité, puis retourne à St-Florent-le-vieil près d’Angers qu’il ne quittera plus. Il renonce ensuite au roman en tant que genre littéraire, ne publiant plus qu’épisodiquement essais et entretiens.
Ce suicide médiatique me laisse pantois.
Au cours de l’histoire, quelques autres ont également suivi un chemin parallèle. Je pense bien sûr à Rimbaud qui fuit la France en abandonnant la poésie. Bobby Fischer, le génial joueur d’échec, qui après sa victoire aux championnats du monde de 1972 contre Boris Spassky, disparaît littéralement pendant un quart de siècle. J.D. Salinger, le reclus de Cornish, enfermé chez lui depuis la parution de l’Attrape-cœur et qui n’a plus publié depuis près de quarante ans. Emily Dickinson, la poétesse qui ne quittait presque jamais sa chambre et enfin, last but not least, j’ai nommé Thomas Pynchon, l’écrivain tellement secret que nul ne sait à quoi il ressemble, pas même son éditeur. Tous enfants de Siddhartha, délaissant les plaisirs de la vie et des palais pour le cœur d’une forêt étrangère. "I'd rather not to", répétait à qui voulait l'entendre le scribe Bartleby, inventé par Melville en 1853.
Il faut avoir un sacré tempérament pour dénigrer le succès et plonger ainsi dans l’obscurité, pour que l’œuvre ou bien l’absence d’œuvre devienne le seul témoin, l’unique trace. Certains appellent cela l’humilité, d’autres la folie. Ces gens d’exception ont peut-être une conscience aigue de leur destinée qui nous échappe et nous intrigue ? Serait-ce une forme de sainteté, une mortification mystique ? Le génie a ses raisons que la raison ignore…
oui, je comfirme, le livre de Nunez est très bien, parce qu'il raconte comme un roman l'histoire des écrivains dégoutés de devoir écrire!
Rédigé par : Dominique | 11 octobre 2006 à 14:01
je connais bien le Vila-Matas. Thomas, le personnage de mon roman lui doit certainement quelque chose. Il s'attache cependant à collectionner les écrivains baroques et mineurs, plutôt qu'à décrire le trouble qui frappe les plus grands. Refuser d'écrire lorsque l'on n'a pas écrit ou si peu, certes, rester dans l'anonymat où l'on évolue déjà, bien, mais renoncer quand on est au sommet, c'est encore autre chose.
Merci beaucoup pour le Nunez que je connais pas encore...
Rédigé par : mikael | 06 juin 2006 à 19:13
deux livres lus récemment sur ce sujet (si tu ne les connais pas déjà) :
Bartleby et Compagnie (Enrique Vila-Matas)
Les écrivains contre l'écriture (Corti, LAurent Nunez)
Rédigé par : francus | 06 juin 2006 à 18:38