La blogosphère ressemble à un circuit automobile. On y tourne en rond pendant des heures, doublant inlassablement les mêmes conducteurs. En entamant ce journal, j’avais pourtant la ferme intention de refuser la loi du manège et de couper à travers champ. Une fois n’est pas coutume, je m’apprête donc à déroger à cette règle pour évoquer le billet quotidien de Pierre Assouline. Arrêt aux stands. Puisque l’éditorialiste m’a coupé l’herbe sous le pied, en évoquant avec six mois d’avance la sortie du nouveau Thomas Pynchon, je me sens dans l’obligation de commenter à mon tour.
Au diable le décorum, les épiphénomènes et tout le saint-frusquin. D’aucuns argueront qu’en la matière la « disparition » fait partie intégrante de l’œuvre. Ils auront certainement raison, mais je ne souhaite pas débattre ici de cette option, pour l’avoir traité précédemment.
Interrogeons-nous plutôt sur les raisons qui font de cet auteur américain, une énigme littéraire.
- Pourquoi serait-il le "plus grand écrivain contemporain" ? Parce qu’il est le Borges de l’expansion ! Parce que son sens de la topographie fait de l’Amérique une tache de Rorschach continentale. Sous sa plume, elle devient repliable de part et d’autre d’un axe central qui serait à la fois le milieu des temps et la ligne de partage des eaux. Parce que chez lui, le message lettré est une révélation liant le destin de l’humanité au langage. C'est le décompte alphabétique, dont les vingt-six stations ponctuent le déroulement de l’Histoire et annoncent sa fin prochaine. Parce que son œuvre parabolique plane comme un oiseau de proie sous la rotondité lunaire. Parce que ses ambitions et ses moyens sont plus vastes qu’aucuns autres depuis un demi-siècle.
- Pourquoi alors est-il quasiment inconnu en France ? Parce que les éditions du Seuil ont cru bon de confier sa traduction à un illettré. Avec le temps, les efforts de certains anglicistes n’auront toutefois pas été vains, puisque ce dernier fut finalement débarqué du navire en marche lors de la parution de Mason & Dixon en 1999.
- Pourquoi est-il si difficile à lire ? Parce que le monde ne peut se résumer simplement. Parce que Dante, Shakespeare, Goethe et Cervantes sont difficiles à lire.
- Pourquoi faudrait-il faire l’effort de le découvrir ? Parce qu’un seul de ses paragraphes vaut bien tous les romans de la rentrée littéraire, le mien y compris.
- Pourquoi avoir fait une note à son sujet ? Parce qu’OMICRoN lui doit évidemment beaucoup !
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