Il arrive que l’on marche régulièrement sur un bout de chemin. Les pieds remplacent alors les yeux. On croit connaître les ornières, les flaques asséchées aux craquelures grisâtres. On n’y prête plus attention. On avance à son rythme et puis c’est tout, jusqu’au jour où l’on heurte du bout du pied la partie émergée d’un rocher enfoui. Il a toujours été là, sans qu’on l’ait jamais remarqué. Cette évidence ramène généralement le promeneur à la réalité du trajet.
Je crois avoir ressenti quelque chose de similaire en refermant le livre de Jonathan Littell, comme si le texte, par sa nécessité absolue, attendait simplement d’être heurté pour révéler sa présence. Difficile de porter un jugement de valeur sur ce qui nous dépasse, d’ailleurs, le rocher, lui s’en fout complètement. Il continuera d’être là. Il continuera d’être, parce que sa fonction première est justement d’exister, d’occuper un espace. Il était là bien avant moi et me regarde à peine passer. Son rythme est autre.
La polémique, les vautours qui tournoient déjà à la recherche des miettes étincellent comme des météores. On accuse l’auteur de n’être que lui-même, ou bien justement d’être un autre, enfin je ne sais plus exactement. On a tout dit et son contraire, au lieu de lire. Peu importe, en définitive. Disparaître est la seule attitude encore disponible face à cette présence massive et minérale. Comment se faire photographier à côté d’une montagne, comme l’on poserait près du poisson que l’on vient de péché. La montagne, on la gravit parfois et c’est heureux, mais on ne la possède jamais.
La montagne, on la gravit parfois et c’est heureux, mais on ne la possède jamais.<< et c'est tant mieux ^^
Rédigé par : Claire | 25 novembre 2006 à 23:26