Décidément, le marronnier fleurit en toutes saisons. Le mois d’avril succédant au Salon du livre, on tire maintenant des conclusions. On s’alarme de manière consensuelle en s’enfilant du bilan. Il y aurait trop de maisons d’éditions, trop de livres, trop de tout en somme. On fait mine de découvrir sur le tard la réalité d’une société de l’offre.
Lorsque je lis la presse, deux images me viennent immédiatement à l’esprit et se superposent. La première est celle de Robert de Niro, mourant étouffé par les papiers gras qui s’agrègent dans Brazil de Terry Gilliam. La seconde, celle de Madeleine Renaud assise au sommet du tas de boue qui s’enfonce dans Oh les beaux jours de Samuel Beckett. À en croire les journalistes, nous allons disparaître sous la masse considérable de documents inutiles, de livres périssables. Comme le glacier roulant sur sa moraine, les stocks granitiques sont à la dérive et menacent d’engloutir la vallée. Ces mêmes journalistes, lorsqu’ils fustigent notre déclin culturel, exposent alors les chiffres faramineux de la production américaine. Alors quoi ? Les uns publieraient beaucoup pour le meilleur et les autres publieraient trop pour le pire ? Les gros fustigent les petits et les accusent d’inonder le marché. On entend dire que la quantité prévaudrait sur la qualité. Pourtant, ce sont bien les grands groupes qui saturent les étales avec leurs documents inégaux et leurs portraits instantanés.
Loin de moi l’idée de nier la cavalerie des offices, la fuite en avant d’un système à la trésorerie malsaine, mais je me réjouis contre tous de la vitalité du nombre. Quoi qu’on en dise, la biodiversité de la chose écrite en profite. Ce n’est pas le foisonnement qui m’effraie, mais bien l’extinction des espèces.
À la bonne heure...
Rédigé par : mikael | 08 avril 2007 à 18:28
Contre tous, pas entièrement, heureusement... ;)
"On a droit au meileur et au pire, et on s'attarde toujours sur le pire. Peu de gens se réjouissent du fait que, finalement, il n'y a jamais eu autant de gens qui ont eu accès à l'écrit (...) Je suis très borgesien là-dessus : j'aime l'idée de se réjouir de cette profusion"
(F. Bégaudeau)
Rédigé par : secondflore | 08 avril 2007 à 18:18