D'abord, il y a les neutrinos, ces particules fantomatiques et quasiment dénuées de masse qui traversent toute chose en permanence. On les traque dans de gigantesques bassins enfouis sous les montagnes dans l'espoir qu'une infime collision génère un photon ou deux, témoignage illusoire de leur passage éclair.
Ensuite, il y a notre esprit qui, dans sa grande arrogance, imagine produire de la pensée, mais n'est en réalité que traversé par elle. De temps à autre, ces fragments qui viennent aussi de loin percutent un neurone et l'illuminent d'une clarté temporaire.
Enfin, il y a les dreamcatchers, ces passoires à rêves, inventés par les indiens Ojibways et qui filtrent la noirceur de la nuit, retenant dans leur filet les cauchemars qui nous visitent.
A mes yeux, la seule chose qui distingue peut-être l'écrivain est justement cette volonté de retenir et de trier le flot incessant d'informations qui nous assaille. Prendre le temps de s'arrêter pour isoler l’instant et chercher à dompter la foudre. Chez Lautréamont, c’est le parapluie qui rencontre la machine à coudre. En ce qui me concerne, je dirais plutôt l’écumoire et le paratonnerre.
Bien entendu, on me rétorquera que la métaphore n’est qu’un télescopage arbitraire et que la réalité se contente de phénomènes objectifs, synapses, dendrites et décharges hormonales. Mais qui se contenterait de la réalité ?
En effet, s'il est une chose dont il faut à l'évidence tâcher de maîtriser le flux, c'est bien l'hyperchoix informationnel. On n'a pas besoin de plus d'images ni de plus d'informations : on a besoin de plus de sens. C'est à l'écrivain, oui, de transcender ce (trop) vaste champ.
Rédigé par : Nicolaï Lo Russo | 08 août 2008 à 09:54