La profession des écrivains n'est jamais perçue comme une contingence insignifiante, mais tout au contraire comme une preuve tangible de leur incarnation, un manteau de chair, souvent trop grand, qui les rend plus ordinaires et mêmes vulnérables, en prise avec cette vie qu'ils semblent pourtant fuir. Il s'agit toujours d'être à-demi, le trait d'union légitimant la bâtardise insupportable. Les sangs-mêlés rentrent alors dans le rang de la vie sociale et du monde. La linguistique à l'usage des médias cherche avant tout à rassurer. En les décrivant maladroitement, on les intègre de force, comme on catéchisaient autrefois les peuplades étrangères, de peur que leur croyances incompréhensibles ne contaminent les foules ordonnées.
Il faut seulement apprivoiser, mais la manière dont on perçoit les écrivains en dit plus long sur la société que sur la littérature elle-même et l'évolution des substantifs accolés trahit le glissement des mœurs, l'assimilation. Concaténation sociologique plutôt qu'associations libres de la psychologie.
Si les deux Paul, Claudel et Morand étaient des écrivains-diplomates, ils furent bien vite remplacés par les écrivains-aventuriers qu'étaient Kessel et Cendrars. Vint ensuite le temps immensément long des écrivains-journalistes (mettre ici le nom de n'importe quel auteur contemporain), qui s'emparèrent de la parole en promouvant leurs propres livres. Les succès récents de Marc Dugain et d'Antoine Bello laissent pourtant présager la fin d'un règne interminable et l'avènement final des écrivains-entrepreneurs. Les générations se suivent et le centre du pouvoir se déplace, insensiblement. Ainsi en va-t-il de la typologie, reflet fidèle d'un présent autrement insaisissable.
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