La profession des écrivains n'est jamais perçue comme une contingence insignifiante, mais tout au contraire comme une preuve tangible de leur incarnation, un manteau de chair, souvent trop grand, qui les rend plus ordinaires et mêmes vulnérables, en prise avec cette vie qu'ils semblent pourtant fuir. Il s'agit toujours d'être à-demi, le trait d'union légitimant la bâtardise insupportable. Les sangs-mêlés rentrent alors dans le rang de la vie sociale et du monde. La linguistique à l'usage des médias cherche avant tout à rassurer. En les décrivant maladroitement, on les intègre de force, comme on catéchisaient autrefois les peuplades étrangères, de peur que leur croyances incompréhensibles ne contaminent les foules ordonnées.
Il faut seulement apprivoiser, mais la manière dont on perçoit les écrivains en dit plus long sur la société que sur la littérature elle-même et l'évolution des substantifs accolés trahit le glissement des mœurs, l'assimilation. Concaténation sociologique plutôt qu'associations libres de la psychologie.
Si les deux Paul, Claudel et Morand étaient des écrivains-diplomates, ils furent bien vite remplacés par les écrivains-aventuriers qu'étaient Kessel et Cendrars. Vint ensuite le temps immensément long des écrivains-journalistes (mettre ici le nom de n'importe quel auteur contemporain), qui s'emparèrent de la parole en promouvant leurs propres livres. Les succès récents de Marc Dugain et d'Antoine Bello laissent pourtant présager la fin d'un règne interminable et l'avènement final des écrivains-entrepreneurs. Les générations se suivent et le centre du pouvoir se déplace, insensiblement. Ainsi en va-t-il de la typologie, reflet fidèle d'un présent autrement insaisissable.
Il est bien ce Livre du Job.
Rédigé par : Christophe Borhen | 08 avril 2009 à 10:24
Toujours clair, pertinent, intelligent, et si vrai... que ça me donne envie de boire. D'ailleurs, grâce à ce post, j'ai supprimé tous les liens (hormis...) sur notre site car tout ça m'écoeure.
Bises à toi,
caroline
Rédigé par : hoctan | 30 mars 2009 à 23:27
(...une interrogation de cette incidence), et de cette relation. Bien sûr. Pour faire suite à mon commentaire précédent. J'avais trop réduit... Les (très) bons textes se lisent plusieurs fois. Ils se lisent et se relisent. On ne les épuise pas si aisément...
Rédigé par : lataupe | 28 mars 2009 à 19:35
@lataupe. Eh bien vous m'avez convaincu : il ne me reste plus qu'à me mettre au magnésium alors. Au fer et aux vitamines. Avant d'attaquer la quatrième tentative ;-)
Rédigé par : Nicolaï Lo Russo | 28 mars 2009 à 17:50
@Nicolaï LoRusso: Il ne s'agit pas de la profession "parallèle" des écrivains, mais dominante, majoritaire, en tout cas solidaire, malheureusement influente. Cette activité n'est pas une donnée inerte, autonome, "parallèle", inutile... Il y a une interrogation de cette incidence. C'est ainsi, je crois, qu'il fallait lire. (Je le dis, en toute humilité, devant l'auteur, qui rectifiera, au besoin). Allez-y pour une quatrième fois...
Rédigé par : lataupe | 28 mars 2009 à 17:41
Vos réflexions sont souvent pertinentes Mickaël, ce que vous dites est régulièrement intéressant. C'est peut-être sur le "comment vous le dites" que j'émettrais pour ma part une petite réserve. Vous gagneriez, je crois, à simplifier votre vocable, alléger vos phrases, vos tournures. Aller au vif. Surtout pour des textes courts comme ceux-ci. J'ai dû m'y reprendre à trois fois pour tenter de comprendre ce que vous vouliez dire dans le premier paragraphe ; en saisir l'essence. C'est dommage. (Et pour déduire qu'il s'agissait simplement de la profession "parallèle" des écrivains.)
Cette remarque – cordiale – n'engage que moi, je vous la livre en tant que visiteur attentif, vous en ferez bien évidemment ce que vous voudrez.
Rédigé par : Nicolaï Lo Russo | 28 mars 2009 à 14:20
Merci de ce retour. Mais à côté il demeurera toujours les 'écrivains-anonymes', et je les préfère, de bien loin, à tous ceux que vous citez. Entrez dans la nullité du débat public, mon ami, entrez-y de front, ou de force, mais allez-y, avec votre gravité et votre légèreté, votre parole y est attendue, par beaucoup j'en suis sûr. Elle manque.
Rédigé par : lataupe | 27 mars 2009 à 12:34