L'histoire de l'écriture semble maintenant susciter un intérêt plus vaste que l'écriture d'une histoire, comme si le chiasme était par excellence, la figure de style de notre époque, retournée comme un gant par les stratèges du marketing. Il s'agira de promouvoir des circonstances, plutôt qu'un produit fini, l'Écrivain étant un personnage à part entière, d'un ouvrage plus vaste que le simple roman, la mise en scène de la vie elle-même. Il faudra que l'auteur ait fourni son effort au sommet d'une montagne inaccessible, tel Hassan ibn al-Sabbah, ou dans une cabane au fin fond du Cambodge, comme le colonel Kurtz dans Apocalypse Now. L'écrivain thaumaturge guérit ainsi des écrouelles, change l'eau en vin et Britney Spears en première communiante. En achetant son livre, on touche à l'incarnation du mystère, non de la création comme il se devrait et dont tout le monde se fout, mais bien d'une vie hors les murs, d'une vie rêvée par les petits épargnants frappés par la crise. La littérature, telle qu'on la conçoit aujourd'hui, n'est plus qu'un support permettant de véhiculer l'intransmissible expérience de la singularité dans la marée de la foule. Celui qui n'a pas une vie à vendre, n'est plus créateur de rien.
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