Le Livre pourrait n’être qu’un assemblage de feuilles rectangulaires, destiné à véhiculer un contenu sous une forme facilement transportable et pratique. L’Histoire, en le chargeant d’un poids symbolique, en a décidé tout autrement.
Il semble exister chez les auteurs et les éditeurs deux écoles concernant la présentation de leur travail conjoint. Je vais tenter de vous montrer comment ces deux courants de pensée, apparemment divisés par des soucis d’ordre commerciaux, incarnent en réalité le prolongement d’un débat idéologique aussi vieux que le Christianisme lui-même.
Dans les siècles qui précédèrent le Concile de Nicée, qui eut lieu en l’an 787 de notre ère, le monde byzantin se divisait en deux clans, les iconoclastes et les iconodules.
Les premiers, pétris de culture juive, considéraient que le Dieu des Écritures ne pouvait se matérialiser que sous la forme d'un tétragramme imprononçable « YHWH » et ne pouvait être représenté.
Les seconds, bien décidés à rompre avec le monde ancien et à faire du Christianisme naissant un dogme autonome libéré de ses origines, croyaient au contraire au pouvoir d’intercession des images.
Le décret rendu par les Pères lors du Concile mit un terme officiel à la querelle. L’icône fut reconnue comme un intermédiaire possible et même nécessaire et non comme un objet d’idolâtrie. Les iconoclastes durent se soumettre, non sans avoir mené au préalable une guerre qui dura près de cinquante ans. Voilà pourquoi l’Occident Chrétien a produit une culture de l’image, au détriment de la calligraphie hébraïque, puis islamique.
Revenons maintenant au monde de la littérature contemporaine. Les iconoclastes ont-il vraiment rendu les armes, ou bien ont-ils survécu à leur excommunication ?
Des voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer l’emprise de l’illustration sur les couvertures de roman. Quand je vous disais que la littérature était une forme de religion ! La couverture immaculée de la NRF semble être pour eux la seule garante de l'orthodoxie. Certains auteurs, au contraire, défendent l’idée d’une maquette colorée et attractive, symbolisant le contenu du livre.
Les uns pensent que la littérature "sérieuse" se doit de rester virginal, les autres considèrent qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. En définitive, rien n’a changé et le débat continu, tenants de l’ascétisme mystique d’un coté, contre iconodules jouisseurs et sensuels de l’autre.
On notera également que même les maisons d’édition les plus "sérieuses" se laissent désormais tenter par la mode de la jaquette, qui consiste à conserver la couverture épurée, tout en la camouflant sous une image amovible. Hypocrisie sans nom qui cherche à obtenir à la fois le beurre et l’argent du beurre. Autant dire que cette démarche fait bondir les "purs".
Chez mon éditeur même, il existe deux collections dédiées à la littérature. L’une intitulée « Grande Fiction » dont la couverture est graphique et attractive, l’autre penchant plutôt du côté de chez Gallimard. Bref, on ne se mouille pas trop ! Comme vous pouvez le constater, on m’a casé malgré moi chez les mystiques ! Ce genre de détail ne relève jamais de l'auteur. Franchement, je ne sais qu'en penser. Il va peut-être falloir que je pense à sourire plus souvent…
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