Comme tout ce qui est dit avec une intention finit inévitablement par lasser, par devenir ennuyeux, tandis que les égarements passagers, les trouées nuageuses revêtent toujours un intérêt singulier ! La trame est la scorie qu’il faudra en fin de compte éliminer, ou bien la branche malade sur laquelle va se développer le gui parasite. Elle est bien mal en point, mais pourtant nécessaire. Il faut à tous une forme de tuteur, un support sur lequel projeter l’inattendu.
On devra renoncer à écrire ce que l’on voulait et accepter ce qui vient, comme une manne. C’est dans le brouhaha convenu du traintrain raisonnable que l’attention finit par se relâcher. On est alors en prise directe avec autre chose, avec le texte véritable qui se dissimule derrière les apparences de l’ordre et de la pensée. Ces instants sont fugitifs. Il faut réitérer souvent pour rassembler suffisamment de matériau, accumuler les fractions d’ailleurs. Comme le jazzman qui tient bien son solo et tutoie enfin le « It » des arrière-salles enfumées, des caveaux beat et des caniveaux sanguinolents du bop, on s’accroche à l’instant, on le flatte. La cordelette pend d’un plafond lointain, perdu là-haut dans les étoiles. Il faut la saisir comme la queue du Mickey, la dépouiller la note sans fin en B-flat. Et puis jouer, jouer encore, s’amuser à se perdre avant le prochain port.
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