Publier est-il un signe d’élection, une auréole de papier crépon, une breloque républicaine fièrement arborée au revers d’un complet ? Est-ce le bon point secrètement désiré, le prix d’excellence remis en fin d’année, l’emballage cadeau que l’on froisse. Serait-ce une remise de peine pour bonne conduite, l’acquittement tant attendu ou bien une évasion minutieusement préparée ? On me répondra en mentionnant la rentrée littéraire, les livres inutiles, les livres dispensables, les auteurs anonymes, les auteurs inutiles, les auteurs dispensables. On en parle sans les lire. On en parle tout de même. On en parle…
Lorsque charges et titres deviennent monnaie d’échange, lorsque les rentes se font monnaie courante, y a-t-il encore du mérite à triompher dans la masse ? Les seigneurs au blanc panache ne seraient-ils que des courtisans avachis, des barbares devenus décadents à force de récompenses indues ?
Je ne peux me complaire dans l’idée de la nullité générale qui reviendrait à laisser les médias décider à ma place. Publier est-il donc encore un signe d’élection ? C’est toujours beaucoup et bien peu à la fois. En définitive, je crois qu’il s’agit d’une expérience sensuelle. La vérité n’est qu’une lueur de désir dans le regard de l’autre, un éclat que l’on cherche, une taille que l’on serre. Publier, c’est accéder enfin à ce corps que l’on attend depuis toujours, depuis la nuit noire du commencement. C’est exister par un contact des mains. Peut importe le nombre, peut importe les causes. Le plaisir des autres ne dévalue pas la jouissance. C’est crier « j’aurais voulu que l’on m’aime » au sommet d’une falaise et sentir sur sa joue une caresse inattendue en guise d’écho fragmenté.
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