La vie de l’écrivain me semble
essentiellement constituée d’attente. Les moments où l’on écrit ne sont
qu’une fraction du temps où l’on attend.
Dans une nouvelle rédigée il y a quelques années, je mettais en avant
la singularité de notre civilisation par l’observation d’un espace
inédit, destiné non pas à l’action, mais bien à ce qui la précède : la
salle d’attente.
L’antichambre, aux fonctions relativement similaires, se définissait
toutefois par sa localisation spatiale et non par sa fonction. Les
médecins ont toujours leur salle de garde, où l’action prévaut encore
symboliquement. Avec l’avènement de la société américaine, et son
fameux living room, les contours commencent à se brouiller, la
frontière sémantique entre quelque chose et le Rien devient poreuse.
Mais, c’est avec la naissance de la salle d’attente qu’on quitte enfin
le domaine purement utilitaire pour entrer de pleins pieds dans
l’abstraction et donc dans la philosophie. On y fait de l’attente une
activité en soi, presque un sport, une discipline.
Tous ceux qui ont déjà passé plusieurs heures à la Caisse d’Allocations
Familiales savent bien de quoi je parle. Tous ceux-là ont connu cette
transformation bouleversante, proche de l’initiation maçonnique,
lorsque, seul avec un crâne (Yorick ?) et enfermé dans un placard, le
disciple réfléchit enfin à la condition humaine.
Si ce blog était un espace, au lieu d’être un moment, ce ne pourrait
être qu’une salle d’attente, où je me tiendrais, les yeux dans le
vague, un ticket numéroté à la main et surtout immobile, car je suis
bien du genre a cherché partout les pas que j’ai perdus…
Plusieurs fois j'ai essayé de rendre en écriture le vide de l'attente dans ces hangars, où même avec un livre on ne peut s'empêcher de sans cesse revenir à ce panneau, "on sert le XXX".
Quant à l'attente de l'écrivain... Oui, parfois dans l'attente vient une idée, mais les livres ne sont-ils pas plutôt faits des attentes (au pluriel) de l'auteur ? ;-)
Rédigé par : secondflore | 27 mai 2007 à 09:27
Et en plus je ne bois pas (pas d'alcool) !
Rédigé par : emmanuelle | 23 mai 2007 à 20:48
@Em : tu as le don de voir le verre à-moitié plein...je t'envie pour ça.
Rédigé par : mikael | 22 mai 2007 à 12:11
Pour la CAf et autres lieux d'attente, et même à chaque fois que l'on sort (au cas où), il faut avoir un ou deux livres dans le sac... quand à l'attente de l'écrivain, elle est pleine du reste de la vie, les enfants, le travail alimentaire, etc. Tout ce reste qui finira dans les livres...
Rédigé par : emmanuelle | 22 mai 2007 à 11:39
J'ai bien fait de passer...Très kafkaïen, ton truc...
Rédigé par : marie pierre | 22 mai 2007 à 08:57