Qu’on soit pour un nouveau ceci, ou pour une littérature cela, ces déclarations d’intention m’ont toujours paru suspectes par principe, anti-performatives. Plutôt que d’agir dans le sens d’un changement, on en discute au préalable, or la véritable nouveauté se distingue d’elle-même et ne nécessite aucun effet d’annonce. L’étiquetage est avant tout un ressort de la publicité.
Les signataires s’empressent alors de jeter le passé aux orties afin d’établir un ensemble de règles plus ou moins contraignantes. La prise de parole s’avère être en fin de compte une prise de pouvoir, putsch ou bien restauration. Les considérations esthétiques cachent alors mal les ambitions personnelles. L’établissement d’un cadre collectif à l’intérieur duquel se développerait la modernité, seule possible à l’exclusion de toute initiative individuelle, n’est qu’une forme de dogmatisme. Comme Bonaparte au jour du sacre, on proclame sa propre importance, on se confère l’autorité morale. L’expression programmatique est par avance un constat d’échec et généralement l’aveu d’une volonté de puissance. Il s’agira de régner un moment avant que de plus jeunes vous chassent à leur tour et de la même manière. L’histoire de l’art au vingtième siècle est à cet égard une forme relativement feutrée de tragédie shakespearienne, car pour ceux qui ont usurpé le trône, la forêt de Birnam finira toujours par se mettre en marche. On lève des armées, on constitue des groupes, car à quoi bon dominer seul. Imposer sa conception, quelle qu’elle soit, c’est obtenir la certitude d'avoir raison.
Ceux qui croient détenir de grandes vérités collectives sont des imposteurs ou des fous. Ceux qui prétendent montrer le chemin sont le plus souvent dans une impasse.
La littérature se passe bien de législateurs, d’instituteurs et de gendarmes et je ne trouve rien de pire qu’un art circonscrit par une poignée de lois éphémères.
Parfois, c’est juste un homme seul qui par malheur exprime une conception singulière sur l’art du roman. Ce qui aurait pu faire office de testament devient alors un appel involontaire. Le voilà rejoint malgré lui par des disciples admiratifs ou bien seulement désorientés. On fonde une école avec un rien de nos jours.
J’aspire simplement à une liberté d’agir et de penser.
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