Comme le corps amputé se souvient toujours du membre manquant, les textes portent en eux les traces indélébiles de paragraphes sectionnés. Aussi, la partie émergée de l'iceberg révèle par sa présence même la masse des grandes profondeurs. Soustraire à l'œil du lecteur des pages jugées superflues ne modifie en réalité que la surface du texte. Il existe une cohérence minérale de la fiction que l'auteur lui-même ne saurait corrompre a posteriori. Rien n'y fait ! Tout est toujours là !
C'est après avoir lu un billet de Jean-Noël Orengo, consacré au Necronomicon et à son éventuelle influence sur la communication d'Oussama Ben Laden, que m'est venue cette réflexion. Au cours de nos conversations, Caroline Hoctan eut l'intuition de mettre en parallèle le contenu de cette note avec mes propres allusions à l'invention de Lovecraft. Pourtant, le livre en question n'est mentionné nulle part dans les 300 pages d'OMICRoN. Nulle part, à l'exception de passages retirés de la version définitive sur les conseils de mon éditrice. Les cinquante pages coupées du manuscrit forment aujourd'hui un sous-texte qui transparait tout de même dans le livre paru.
Ce qui est écrit est en vie, quoi qu'il en soit.
J'offre ici aux curieux le passage incriminé, dont l'absence est finalement visible, perceptible et tout aussi réelle que les mots bel et bien imprimés.
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