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Rédigé à 22:26 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
La fatigue élimine la résistance du corps. Tout ce qui fait obstruction à l’écho est finalement soumis, dompté par les anciens efforts. La chair, les membres et la muraille du crâne, tout agglomérés ensemble, forment un dipôle où circule un courant de faible intensité qui sonne et raisonne comme un mantra.
C’est complètement vidé de toute énergie que je perçois enfin la véritable nature de la langue, lorsque je ne comprends plus rien et me laisse simplement traverser.
Je ne suis plus grand-chose alors qu’une loque faiblement animée. C’est ainsi que le pantin dit la vérité d’autrui.
Ensuite et seulement ensuite vient le véritable travail qui consiste à raboter la foudre, mais se contenter de l’un sans l’autre reviendrait à sauter à cloche pied.
Rédigé à 19:58 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Écrit-on jamais vraiment ? On échoue plutôt à rendre intelligible le chaos particulier. À force d’échecs, on finit par accumuler un matériau raisonnable qui n’est pas le livre, mais au contraire la preuve de son absence manifeste. La littérature tout entière n’est qu’un dommage collatéral, un phénomène connexe. La réalité du bruit suffit à faire croire au silence. On se contente de sa conviction, comme le mystique de sa foi. Il est des choses que le cœur humain reconnaît sans pouvoir saisir. Le roman n’est qu’une empreinte laissée par un suspect que l’on ne trouvera jamais. Il atteste du mobile et c’est déjà pas mal. Vouloir en faire une œuvre d’art serait idiot. L’Art est aux artistes ce que Dieu est aux gnostiques, une réalité impossible à évoquer et par conséquent inutile et bien encombrante.
Je n’écris donc pas ! J’accumule uniquement des cibles manquées. J’espère seulement qu’une forme négative saura émerger du brouhaha, ne serait-ce qu'une silhouette, présence fugitive aussitôt évaporée.
Rédigé à 19:47 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)
Les trous de ver sont ces galeries que l’on déplore dans les ouvrages anciens, mais aussi les tunnels reliant de multiples dimensions, ces raccourcis qui sillonnent l’espace-temps. Décidemment, j’écris bien à la manière de ces minuscules invertébrés qui grignotent leur chemin dans la toile des rêves, dans le papier du livre comme une masse dense. Impossible d’éviter alors ces orifices blancs ou noirs qui jalonnent le récit, ces opercules qui ponctuent nos vies souterraines. Il faut pénétrer dans le cercle, encore lui, invoquer les esprits, se laisser aspirer. J’ai beau faire le ménage, tenter de me discipliner, je me retrouve toujours au bord d’un gouffre quelconque. Mes personnages les gravissent ou y tombent, s’y agrippent, les regardent. Manière pour moi d’appréhender l’après ? Les larves qui font leur lit dans les incunables tissent ainsi des liens entre les pages, mobilisent une graphie mystérieuse, mettent sans doute en évidence des télescopages sublimes. On devrait y prêter une plus grande attention.
Rédigé à 20:51 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le marché du livre chinois en fait rêver plus d’un. Pensez donc, un milliard de lecteurs potentiels, une société qui s’ouvre aux médias et à la consommation, une culture toujours fascinée (pour combien de temps encore ?) par tout ce qui vient d’Occident.
Les scouts des grands groupes d’édition internationaux et les agents littéraires se ruent par conséquent là-bas en quête du nouvel eldorado. On y parle de petits tirages en dessous de cent mille exemplaires et de succès au-delà des dix millions, chiffres qui laissent songeurs tous ceux qui évoluent dans le microcosme éditorial français. Cinq cents « petits » éditeurs se partagent aujourd’hui ce fortune cookie, dont aucun n’a seulement une ampleur nationale.
Le capitalisme moderne et la mondialisation auront tôt-fait de rationaliser tout ça, pensez-vous, mais ce serait compter sans les particularités intrinsèques d’un monde qui nous échappe complètement.
Si les romans étrangers intéressent en effet les lecteurs chinois, ceux-ci ont pourtant l’habitude de considérer l’Empire du milieu comme le seul décor possible à toute action littéraire. Les personnages ne peuvent en aucun cas venir de l’extérieur et l’action doit nécessairement être adapté aux coutumes locales. Le lecteur pékinois veut plus que tout autre du roman de terroir. Que l'auteur soit Suédois ou bien Américain d’origine n’y change rien, si bien que les éditeurs chinois ont désormais pris l’habitude d’acheter les droits de romans étrangers puis de les faire réécrire par des écrivains autochtones. Après les remakes de films, effectués à Hollywood, va-t-on assister à l’avènement de remakes de livres, made in PRC ? Pour le meilleur ou bien le pire, ce processus est déjà en cours.
En guise de hors d’œuvre, voici maintenant la scène finale du Père Goriot, sinisée par mes soins :
Xang, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière de la Révolution et vit Shanghai tortueusement couchée le long des deux rives du Yang Tsé où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la tour Jin Mao et le quartier du Pu Dong, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur ce nid d'hirondelle un regard qui semblait par avance en pomper le suc et dit ces mots grandioses « À nous deux maintenant ! »
Et pour premier acte du défi qu’il portait aux dignitaires du Parti, Xang alla dîner chez Madame Sui.
Rédigé à 20:25 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
On pourrait esquisser à brûle pourpoint une typologie raisonnée des éditeurs. Ces gens-là peuvent-ils être simplement réduit à leur activité professionnelle, claquemurés en somme entre les cloisons caricaturales d’un groupe sociologique ? Osons un peu, pour voir et égrainons ensemble la litanie…
- Il y a le paternaliste, qui a un faible pour les longs discours et souhaite avant tout vous donner lecture de ses dernières pensées. Celui-là regrette généralement de ne pas être auteur, auquel cas, cela va sans dire, il serait bien meilleur que celui qu’il a en face de lui.
- Il y a le curieux, le voyeur qui vous fait venir pour vous observer sans rien avoir à vous dire et vole un peu de votre temps en vous faisant miroiter une récompense toujours prochaine.
- Il y a le voleur qui pille les bibliothèques, réimprime des épuisés pour pas cher, découpe les illustrations dans des manuels scolaires et emploie une myriade de stagiaires bénévoles.
- Il y a le grand patron, dont l’ombre tutélaire plane en permanence sur les couloirs afférés, que l’on ne voit jamais, qu’il ne faut surtout pas déranger et qui est peut-être mort dans son bureau en mille neuf cent soixante-quatre, mais dont tout le monde parle constamment.
- Il y a le colérique, auquel on cède tout par avance de peur de se faire hurler dessus et qui joue de sa colère parfaitement maîtrisée pour obtenir gain de cause.
- Il y a l’aristocrate, qui condescend à vous accorder une entrevue, voir un entrefilet dans une revue moribonde et que l’on ne contredit que rarement afin de lui exprimer une gratitude éternelle et justifiée.
- Enfin, il y a l’absent, celui que l’on n’arrive jamais à joindre, qui donne des rendez-vous auxquels il ne vient pas et qui de temps à autre manie assez bien la flatterie pour se faire pardonner.
Bien évidemment, toutes ces catégories sont conjugables entre elles, ce qui rend ce milieu beaucoup plus intéressant qu’il n’y paraît.
Rédigé à 19:32 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
On mésestime le pouvoir des représentants. Ces commis voyageurs de l’édition ont leurs têtes, leurs petites lubies. Ils gèrent la mise en place, l’approvisionnement des libraires, mais s’arrangent aussi pour susciter le désir. On commence par leur parler de vous. Ce sont là des préliminaires indispensables. Il faut qu’ils s’habituent lentement à votre existence dans leur catalogue chéri. Votre nom est comme une mise en bouche. Il faut que ça roule, que ça décoiffe. Si l’appétit est là, on ira ensemble jusqu’au dessert, autrement, gare à vous. Ils sillonnent le pays, avec leurs préférences, leurs sentiments et leur force de vente. Il vaudrait mieux que votre engin les valorise, car il est toujours plus facile de vendre ce qui embellit. On aimerait parler avec exaltation de ce qui rend plus fort. Au lieu de cela, on doit fourguer au jour le jour des idées que l’on n’a pas choisi, que l’on n’a pas écrit et que l’on n’aurait pas eu de toute façon, parce qu’on voit le monde autrement. Si seulement il y avait une étincelle entre nous, juste un petit feu qui me ferait luire dans vos pupilles. Vous aimeriez alors me protéger et me défendre, mais le passé me colle aux basques. L’ombre d’Arthur Miller plane encore sur nos relations épisodiques et j’en suis désolé.
Rédigé à 20:22 dans Opus 3 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Il faut que je tergiverse.
Impossible de m’y coller directement.
Chaque fois que je reviens au texte en cours, comme on revient à terre après ces journées stériles qui sont autant de traversées, je me dois de différer. Ça n’est pas comme une surprise que l’on feint d’ignorer un petit moment avant de se ruer, n’y tenant plus, sur l’emballage. C’est une terre perpétuellement renouvelée que l’on aborde avec une certaine appréhension. Alors, je diffère, je tergiverse, je tourne les pages...
Pourtant, le temps m’est compté. Il s’agit donc de dégager une marge de manœuvre, un échauffement approprié. Combien de minutes peuvent être gaspillé sans compromettre le travail à venir ? Combien de minutes ?
Je repousse le moment comme on évacue la visite chez le dentiste, l’opération bénigne qui peut encore attendre, mais attention à ne pas tirer sur la corde. Si l’on attend trop, on écrit plus rien, le moment est passé. C’est l’infection de l’organe inusité qui guette…
Rédigé à 20:48 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
On demande parfois à un auteur des choses étranges, comme de raconter sa vie à la troisième personne pour le cas tout à fait improbable où un journaliste s’intéresserait à lui. Épreuve d’autant plus difficile lorsqu’on n’attache pas une grande importance à ces choses-là. Christine Angot (encore elle ?) maîtrise sans doute l’exercice dans ses figures libres et imposées, mais pas moi !
Comment faire lorsque l’on a mené jusqu’à présent une existence somme toute banale…et bien faire du roman, encore et toujours, laisser la fiction s’immiscer et combler les lacunes de la réalités. On est alors comme une terre vierge qu’il faudrait nommer, un paysage à construire. On peut donc s’inventer les drames que l’on a toujours désirés, une enfance chez les Ténardier pour le journaliste de La Croix, une adolescence à la Bazin pour l’Huma, une vie sexuelle à la Millet qui plaira tant à Libération et puis surtout, des aventures rocambolesques et exotiques. Venir de loin, voila qui est important ! Ne pas tout dire non plus, il faut donner l’impression de garder tout au fond quelques secrets inavouables. C’est dans la retenue que l’autobiographie finit par payer. Le lecteur curieux aura toujours tendance à extrapoler le détail...
Rédigé à 19:12 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Cent fois sur le métier, j’ai déjà remis l’ouvrage. Manque encore l’unité pour me faire dalmatien. Les bilans sont pour les morts, pas pour les randonneurs, alors trêve de nostalgie.
Le chapelet n’a pas de fin. On a beau faire sauter les perles d’un doigt agile et compter pour soi les neuvaines, on en revient toujours au début…à la fin, bref on ne sait plus.
Continuons donc un moment à deviser ensemble. Les mois qui viennent s’annoncent riches en évènements que je saurai dépeindre. Le compte à rebours est dans sa phase finale et tandis que les jours s’amenuisent, les pages et les notes s’accroissent de manière inversement proportionnelle.
Rendez-vous donc en janvier pour la parution d’OMICRoN
Rédigé à 20:47 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Nombre de maisons d’éditions appartiennent à présent à de grands groupes industriels, dont les activités ne se limitent pas toujours à la diffusion de la chose écrite. Bien évidemment, la tutelle ne s’exerce qu’à mot couvert et l’indépendance éditoriale reste la colonne vertébrale de la politique officielle. Toutefois, qu’en est-il véritablement de la liberté lorsqu’on doit rendre des comptes à des gestionnaires extérieures à la chaîne du livre ? Les bilans de fin d’année n’ont-ils aucune influence sur le contenu des publications, sur les programmes de parution ? En effet, on ne se contente plus désormais de présenter des tableaux comptables en fin d’exercice, mais également d’annoncer à l’avance le détail de sa production, de justifier ses choix (en termes financiers). Les éditeurs, autrefois responsables, sont désormais des salariés comme les autres qui glissent leurs contrats dans des parafeurs et font signer leurs chèques dans le bureau « du dessus ». Si les pertes d’une branche peuvent être compensé par les revenus d’une autre, on n’hésitera pas non plus à couper le bois « mort » pour sauvegarder l’intégrité de l’ensemble, la rentabilité du groupe si cher aux actionnaires. La décision est donc diluée et le nombre d’intervenants dans le processus éditorial en augmentation constante. Ce sont tous les échelons de la hiérarchie qui pèsent aujourd’hui sur les épaules des auteurs, mais dans cet imbroglio kafkaïen, à quel sein faut-il encore se vouer ?
Rédigé à 22:21 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Pour avoir inventé un personnage de nazi à vocation générique, on accuse désormais Jonathan Littel d’avoir écrit ce que ses détracteurs appellent un « docu-fiction ».
Faire évoluer un être fictif dans un contexte historique véritable serait donc une pratique coupable. Il va falloir par conséquent juger la quasi-totalité des écrivains depuis Homère.
Ulysse rencontra-t-il seulement cyclopes et nymphes ? Pourtant, la guerre de Troie a bien eu lieu. Scarlet O’Hara ne traversait-elle pas la guerre de sécession ? Étienne Lantier ne travaillait-il pas dans une mine plus vraie que nature ?
N’en déplaise aux aigris, la littérature tout entière n’est pour ainsi dire qu’un immense feuilleton du réel où se mêlent témoignages, expérience, souvenirs et regard. Seule la science-fiction pourrait peut-être se démarquer puisqu’elle situe généralement son action dans un contexte à venir et donc totalement imaginaire. Les émotions à la disposition de l’auteur n’en sont pas moins celles que vous et moi vivons chaque jour. La réalité est décidément la seule chose dont nous disposions pour créer du mensonge, les élucubrations des écrivains étant parfois plus édifiantes que le simple décompte des faits.
Rédigé à 23:16 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Faire le dos rond, laisser passer sur soi le feu roulant des échecs et revenir encore à la charge sans jamais lâcher prise. Seuls les obstinés, battus, roués, les inconscients, victimes de l’impossible et les fous opiniâtres marcheront de concert en cette belle journée. Les timorés auront foutu le camp et tout sera pour le mieux.
À ceux qui voient l’aventure de la publication comme un parcours du combattant, je réponds c’est une guerre pour exister en dépit du nombre. On n’est plus à l’entraînement ! Il y a les imbéciles, dont je fais partie et qui marcheront jusqu’à en crever sans même savoir pourquoi et les plus malins qui survivront anonymes. Je renonce à l’intelligence, à l’instinct, j’ai fait mon choix. La difficulté d’exercer son art cède le pas devant la difficulté à le faire connaître.
Un homme que j’admire et qui avait autrefois de la sympathie pour mon travail m’a dit un jour : « vous écrivez, vous écrivez et puis un beau matin, vous voudrez publier…ça, c’est une tout autre histoire... ». Comme il avait raison !
Rédigé à 23:09 dans Paraphernalia | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Créer des personnages, avoir sur eux droit de vie et de mort, leur faire connaître joie et souffrances, c’est être un dieu au moins égal à celui de Job. Si le grand barbu nous a fait à son image, c’est sans doute dans la capacité à créer qu’il faut chercher la ressemblance. L’écrivain s’essaye donc à concurrencer la vie, à produire des mondes sensibles.
Les créatures pensent savoir ce qu’est la mort, en discourent même de temps à autres, mais ne se doutent pas qu’une fois la dernière page refermée, leur existence sera, sinon définitivement interrompue, tout du moins mise entre parenthèses, comme ces batraciens qui cessent de vivre en attendant des jours meilleurs ou un climat plus propice.
Si les personnages de fiction passaient leur temps à lire (ce qui est assez rare en définitive) peut-être auraient-ils comme moi conscience de leur caractère éphémère. Lorsqu’ils pensent parler de Dieu, ils parlent en réalité de moi qui les écrit et dont ils ignorent tout. S’ils savaient à quel point leur démiurge est en réalité impotent, paumé, pétri de contradictions et victime à son tour d’un écrivain invisible qui se joue de lui, ça les fouterait sûrement par terre.
Rédigé à 20:11 dans Opus 3 | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)
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