Publier un premier roman, c’est un peu comme l’entrée en sixième. Les mois d’été sont ceux du triomphe absolu. On quitte pour toujours les classes élémentaires, auréolé d’une gloire que l’on croit alors immortelle. Les plus jeunes vous dévisagent avec un soupçon d’envie, un peu de désespoir aussi à la perspective des années qui leur restent encore à parcourir avant l’adolescence.
On contemple pour la première fois le chemin accompli. On prend conscience du temps qui passe. C’est le moment d’échafauder enfin quelques plans futurs. On se situe à l’aune de l’expérience que l’on croit naïvement suffisante. Cette chose qui est maintenant derrière soi peut être mesurée, ravivée le cas échéant avec nostalgie. La réalité du passé prend forme. Le cartable flambant neuf, qui trône près du bureau, n’est pas la promesse d’une épreuve nouvelle et encore inconcevable, mais bien le trophée qui récompense les difficultés surmontées.
Ce fameux lundi de septembre est d’autant plus terrible. À la minute où la cloche retentit, on réalise soudain que tout est à recommencer. Du statut d’aîné, on rétrograde instantanément à la dernière position. Découvrir que l’on sera toujours le cadet d’un autre est une sacrée désillusion. Au village, vous étiez unique et vous voilà deux mille. Au milieu de la foule, parmi ces grands qui vous toisent, saurez vous être à la hauteur ?
Le succès n’y fait rien, je crois. Les défis se succèdent toujours et sitôt un cap franchi, le prochain s’annonce déjà à l’horizon. Pourquoi diable se donner la peine de continuer, me direz-vous ? Autant rester sur le versant ensoleillé et ignorer la crête qui dissimule mal tout un chapelet de cols. Oui, bien sûr, rester là sans bouger et ignorer l’obstacle, mais alors comment grandir ?
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