Le temps éditorial, j’avais bien dit que j’en reparlerais, se mesure au moyen d’unités fluctuantes, en marge de l’observatoire de Paris. Là, on s’évertue à cogner les atomes, à fusionner les moyennes, mais en définitive à quoi bon fractionner la seconde en segments égaux et quasi innombrables ? Lorsque vous passez enfin la porte du Temple, les aiguilles se mettent soudain à ralentir, les grains de sable font preuve d’une viscosité inhabituelle. Les jours deviennent des semaines, les semaines des mois entiers.
C’est bien dans la mesure du temps que la séparation de corps entre scientifiques et littéraires trouve sa meilleure incarnation. Les premiers coupent les microns en quatre, les seconds dilatent la perception à l’infini, jusqu’à s’endormir entre deux syllabes disjointes. Méfiez vous particulièrement de ce trou béant ponctuant les syllabes. D’aucuns y sont tombés, il y a longtemps déjà. On ne les a jamais revus.
Dans les couloirs, les bureaux, on chuchote sans élever le ton, de peur sans doute de réveiller Chronos qui dort près de la photocopieuse dans la salle des archives. Certains se souviennent encore d’une époque où il était debout et on l’évoque en murmurant et en roulant des yeux.
Il faut alors se faire valoir, signaler sa présence, rappeler sans cesse à la Belle endormie qu’elle a beau rester jeune dans son sommeil malin, le temps à l’extérieur, lui, s’enfuit…et qu’on a peur de vieillir.
Une fois retourné dans la rue, même en heure creuse, la circulation paraît intense, les piétons survoltés. On reviendra la semaine prochaine, le mois prochain, l’année prochaine. On signera les contrats, on corrigera les épreuves. Demain, si le monstre s’éveille, demain peut-être, demain…
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